mercredi 12 juin 2013

Au ventre du monde, de Gilles Barraqué




        Grâce à un récit exotique et dépaysant, qui sous la forme d'un témoignage nous emporte dans le décor des îles Marquises, Gilles Barraqué crée toute la culture et les divinités païennes de l'île de Notre Terre pour son roman Au Ventre du monde
        Là, la jeune Paohétama est un jour autorisée par le chef et le sorcier du village, à « devenir un garçon » pour succéder à son grand-père vieillissant en tant que pêcheur-maître des mers. Cette sorte de métamorphose, qui n'est en réalité qu'un jeu de faux-semblant pour mieux faire accepter à la société le fait qu'une fille prenne la mer, n'est pas sans conséquence au quotidien. Le regard et le comportement des autres changent malgré le doute. L'hybride créé, au corps de fillette mais aux cheveux et au métier de garçon, a un statut spécial. Il fascine. Même le grand-père aimant l'appelle « Mon garçon », « fils ». Seul Ui-i, le plus fidèle ami de Paohétama – non pas un chien, mais un cochon – la reconnaît encore telle qu'elle est vraiment au fond d'elle sans en être troublé. 
        De son côté, Paohétama ne regrette pas le changement ; elle est attirée par la mer et elle craint même de devoir un jour devenir femme car elle sait qu'alors elle ne pourra plus naviguer ni plonger. En attendant, elle profite de chaque sortie sur les eaux.
         Et c'est alors tout un monde marin que nous découvrons avec elle au fil de ses apprentissages, une vie et une nature considérées avec respect et humilité. Peu à peu l'ancêtre passe le relais, sent qu'il n'est plus accepté par la divinité de la mer Oana, et un jour la fille-garçon se retrouve seule sur sa pirogue, avec une grande ambition bercée par les légendes de son village.
         Au large de Notre Terre se trouvent l'île de l'Autre Terre, où vivent les terribles hommes-cochons, et le Ventre de Monde, qui a engendré toute vie, et renfermant la plus grosse des perles réservée à qui en sera digne. Paohétama espère bien recevoir le précieux objet pour que son grand-père puisse en faire don à la mer lors de son dernier voyage. Elle s'embarque alors pour cette aventure risquée, sous la protection du sorcier Taua, et de son fidèle compagnon qui ne l'abandonnerait pour rien au monde, Ui-i, véritable élément comique du roman. Mais la traversée s'avère périlleuse et quelque peu hasardeuse. La fatigue et la douleur s'invitent et ne sont pas des alliées. Mais la magie opère. L'énorme bénitier du Ventre de Monde offre à Paohétama une seconde naissance qui coïncide avec son entrée dans la puberté. La désormais jeune fille à part entière scelle son destin et celui des siens sous les meilleurs auspices, et rétablit la paix entre les peuples. Et de ce fait Ui-i et elles seront vénérés sur les deux terres. Il est parfois surprenant de se rendre compte à quel point l'Autre peut être proche de nous. Si proche que l'on peut même l'aimer.
Au Ventre du Monde dépeint avec poésie une culture qui appréhende la nature avec sagesse et respect. Chaque chapitre est une nouvelle plongée dans l'océan ou dans le peuple de « bons sauvages ». On peut aussi envisager ce texte comme un conte moderne qui a donc une portée didactique. Ces exemples de paix, nous pouvons tous les suivre.
Un excellent roman jeunesse qui a la faculté d'apaiser.
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